Une jeune princesse possédait toutes les qualités que l'on pût
désirer. Ses yeux d'un bleu profond illuminaient un visage ravissant, et
tout le monde admirait la façon qu'elle avait de raconter des
histoires.
Sa mère était morte à sa naissance, et son père l'adorait et ne lui refusait rien.
La
princesse cependant avait un défaut : se considérant comme une personne
parfaite, elle exigeait que tout autour d'elle le fût également. Elle
n'hésitait pas à jeter un gâteau si les fraises qui l'ornaient n'étaient
pas toutes exactement de la même taille et de la même couleur !
Évidemment, aucun prétendant ne trouvait grâce à ses yeux. Son père
insistait pour qu'elle se mariât, mais elle refusait tous les jeunes
gens qu'il lui présentait. Un jour qu'il la suppliait de nouveau, elle
lui promit qu'elle épouserait celui qui lui apporterait une rose bleue.
Le
père ne se réjouit pas de cette décision, car il savait bien que les
roses bleues n'existent pas. Les roses sont blanches, rouges, roses ou
jaunes, mais jamais bleues !
Cédant à l'exigence de sa fille, il fit
annoncer dans tout le pays que le premier qui apporterait à la princesse
une rose bleue, de la couleur de ses yeux, l'épouserait le jour même.
Nombreux furent ceux qui partirent à la recherche de cette rose dans
l'espoir de devenir le gendre de l'empereur ! Beaucoup abandonnèrent
leur recherche.
Seuls trois prétendants continuèrent leur quête. L'un
d'eux était un riche marchand. Il alla voir un fleuriste et lui demanda
de lui trouver une rose bleue, sinon il le tuerait. Le fleuriste
désespéré utilisa un subterfuge pour sauver sa vie. Il trempa une rose
blanche dans un liquide bleu, et la rose se teinta de la couleur désirée
! Quand le marchand revint voir le fleuriste, il le remercia et lui
donna beaucoup d'argent. Il se précipita alors au palais pour montrer la
rose bleue à la princesse et l'épouser. Le roi se réjouit à la vue de
la fleur et dit à sa fille : « Tu dois tenir ta promesse ! Tu as la rose
bleue que tu souhaitais, nous allons préparer le mariage. » Sa fille
cependant avait deviné la ruse et répondit à son père : « Comment
avez-vous pu vous laisser aussi facilement tromper ?
« Cette rose
n'est bleue que parce qu'elle a été teintée ! Ce n'est pas sa couleur
d'origine. » Elle demanda qu'on apporte un oiseau. Lorsque celui-ci se
posa sur la rose, il mourut instantanément, tué par le poison qui avait
servi à colorer la fleur.
Le deuxième prétendant était un militaire
qui se rendit dans la région des cinq fleuves, célèbre pour ses
diamants. Il examina de nombreuses pierres précieuses et finit par
trouver un très gros saphir bleu. Il l'acheta et le porta à un joaillier
pour le faire tailler en forme de rose. Quand l'empereur vit le bijou,
il le trouva magnifique et fut persuadé que sa fille accepterait de se
marier avec ce militaire.
Son père alla la chercher et lui dit : « Tu
dois tenir ta promesse ! Tu as la rose bleue que tu souhaitais, nous
allons préparer le mariage. » Quand elle vit la rose, la jeune femme
s'écria : « Mais ce n'est pas une fleur ! Mon père, vous voyez bien que
ce n'est qu'un saphir taillé en forme de fleur ! J'ai de bien plus beaux
bijoux et j'attends toujours qu'on m'apporte une vraie rose bleue. »
Le
troisième prétendant était un jeune noble de bonne famille. Il convoqua
le plus réputé des peintres du pays et lui demanda de lui peindre la
plus belle rose bleue qu'on pût imaginer. Quand le tableau fut achevé,
il le porta à l'empereur, qui fut persuadé que, cette fois-ci, sa fille
serait satisfaite, et qu'elle aurait enfin trouvé un mari.
Son père
alla la chercher et lui dit : « Tu dois tenir ta promesse ! Tu as la
rose bleue que tu souhaitais, nous allons préparer le mariage. » La
princesse répondit qu'elle voulait une rose vivante et non une image,
aussi belle soit-elle. Le dernier prétendant fut donc refusé comme tous
les autres.
Un soir d'été qu'elle admirait le coucher du soleil,
elle entendit un poète chanter. C'était un beau jeune homme à la voix
douce et harmonieuse. Elle descendit à sa rencontre. Elle s'éprit de
lui, mais quand il lui dit qu'il souhaitait l'épouser, elle lui répondit
: « Hélas, j'ai juré que je n'épouserais que celui qui serait capable
de me rapporter une rose bleue. Jusqu'à présent, personne n'y est
parvenu.
— Moi j'y parviendrai. Ce n'est pas difficile, il y a partout des roses bleues. »
Le lendemain, il arriva au palais avec une rose de couleur crème. Il la présenta à l'empereur, qui se moqua de lui. Il fit néanmoins appeler sa fille et lui dit : « Voilà ma fille un poète qui prétend avoir trouvé une rose bleue ! » À sa grande surprise, il entendit sa fille répondre : « Mais oui, mon père, elle est bleue, c'est la plus belle rose que j'ai jamais vue et elle est bien bleue. » Tout le monde à la cour partagea la stupéfaction de l'empereur. Tout le monde voyait une rose crème et non bleue ! Partout la princesse disait : « Je vous assure qu'elle est bleue. C'est vous qui ne voyez pas ! Elle est d'un bleu merveilleux, et je suis heureuse car je vais épouser celui qui me l'a rapportée. » Et ainsi fut fait. La princesse fut très heureuse et perdit l'habitude de rechercher en permanence la perfection.